Extinction

« Qu’il me donne les baisers de sa bouche : meilleures que le vin sont tes amours !

Délice, l’odeur de tes parfums ; ton nom, un parfum qui s’épanche : ainsi t’aiment les jeunes filles ! » Cantique des Cantiques

Mon cœur est un tombeau de marbre blanc

Sur lequel s’ébattent, s’enlacent deux amants

*

Le Divin et l’Eros sous le vesper

Midi de l’Homme qui en silence espère.

*

Il bat d’une sourde et chaude pulsation

Sommets du Paradis jusqu’aux Tréfonds,

*

Prisonnier du feu du désir, sanglant

Par les fissures et les trous béants,

*

Et cette rouge offrande aux déesses païennes

Qui dorment dans les terres anciennes,

*

Nourrit l’arbre immense de son désir

Que je peux embrasser et saisir.

*

Toute la Création me parle en Elle

A la façon de l’Ange Gabriel.

Je voudrais boire à son cœur de nuage

L’orage des Dieux de l’Orient, le sang

Rédempteur qui crie dans le soir éblouissant

Pour le Pauvre et la Femme sans âge.

*

Son regard a l’odeur du cerisier

Qui transforme en poussière l’Eternité

Sous les sabots que portent les alizées

Jusqu’au fond de son jardin sombre et fruité.

Écume de Dieu

Lorsqu’elle revêt les habits de la charité

Elle a la beauté

De l’écume, semence du Ciel créateur.

*

La nuit de ses yeux et de ses cheveux, cascade

D’encre sont un voile

De pudeur, et une amoureuse cavalcade.

*

Elle a la beauté de la Douleur du Vendredi Saint

Cherchée par les poëtes

Et les fous qui recherchent son baiser en vain.

*

Sa voix est le vin que Dieu donne aux pauvres, et aux lépreux

Pour leurs cœurs vidés

D’amour; et ses pommes sont une promesse pour le preux.

*

Traversant la nuit, la ville telle une pluie de flèches

Elle a la beauté

De celle qui l’ignore et que la lune lèche.

Air de conque

Figurez vous une après midi

De printemps, un vase Ming touché

Par les chauds rayons du lundi

Ou la pluie qui tombe sur la forêt.

*

Imaginez les steppes interminables

De l’Asie, brûlantes et mirageuses

Les temples des Dieux impitoyables

Parcourus de hordes tapageuses.

*

Mille poètes ont chanté son nom

De déesse renouvelée

Et frappé du sceau de Junon

Et de son bâton barbelé.

*

Sans cesse elle fut la rose

Et nous fûmes le triste rossignol

Que la grande nuit marine arrose

D’étoiles abandonnées au sol.

*

Et de ses pieds, et de ses seins

Blancs comme l’écume de mer

Dont elle est née, et de ses reins

Où se roulerait le Tigre amer;

*

Je brûle, buisson messager de Dieu

Venu chanter une vérité

A trois syllabes, un nom merveilleux

Comme Nassimi m’avait précédé.

*

Pot d’encre renversé sur le lit

Mes mains parcourent ses cheveux

Et de ses fesses l’aphélie

Ma langue dans son œil rose et honteux.

*

Le rythme salé des vagues

Et le Ciel immortel et bleu

De nos amours chaudes et vagues

Qui s’étreignent, s’éteignent peu à peu.

Jardin

Dans tes yeux je plonge à la façon du Gange

Timide et honteux

Et j’en ressors vigoureux, vierge de toute fange.

*

Sous mes doigts le târ de ton corps se ploie, gémit

Et chante les arias d’un orient perdu

Sous les troubles visions d’Orphée et de Jérémie.

*

Et entre mes doigts sourds filent tes cheveux de minuit

Calligraphie de nos plaisirs secrets

Fracas des étoiles qui nous arrosent de leur pluie.

*

Aveugle, je pousse la porte de ce jardin fleuri

Parfum de rose, de soleil

Dans cette vaste chambre aux douces odeurs de fruit.

گرد و خاک

Venus de l’est

De ton lit

Mes mains

Comme des cavaliers

Portant l’épopée

De mon feu

Entre les pattes d’un rossignol

Étoiles roses

De tes seins durs

Lune dans le Ciel froid

Sabots

Flèches

Tambour de ma langue

De tes soupirs

Sur la steppe

Envolés dans la poussière

De nos ardentes amours

Infinité de jambes et de bras

Voilà le Vide étreignant la Sagesse

*

Bois, bois le miel de mon âme, vers l’éveil

De mon cœur, courroux de ma Soif.

*

Et nos mains, et nos bouches, et tes seins, sous la vague

De nos baisers; sel d’Aral, cœur pourpre.

*

Et ce fourreau qui fait plier le roi,

Le Shah, le Khan, le César, épée de bois.

*

Et je bois l’eau de jouvence, perles de pluie

Au creux de ton nombril, de ta fleur.

Poème antique

Deux doigts, plonger dans les yeux

Du noir corbeau : suspension

De mon vit, frondaison

Sous ton baiser soyeux.

*

Tes reins sont un troupeau de chevaux

Sauvages qui défilent sous mes mains,

Nuages sous les Dieux anvots

Et jaloux de nos baisers mutins.

*

Le Grand Cyrus sur tes seins

A épinglé deux grenades,

Rouges et mûres, souvenir coquin

Des Immortels sous les colonnades.

*

Et au fond de ton Paradis

Velu vit tel un dévot, fou,

La langue punie par les kadis

D’un poète aux yeux de hibou.

Mes mains recouvrent le Pamir de tes seins,

Océan de pureté rose sous le bleu

Immense que traversent les orages, coussins

Des cavaliers morts du Khan furieux.

*

Encens au creux de tes jambes, tu me rends

Tigre dans la forêt de nos amours

Que caresse le feu toujours conquérant

Dans nos cœurs où rentre la lueur du jour.

Dans le cœur du désert, le fou a chanté

Chanté un Nom fleuri qui ne s’écrivait

Dans aucune langue

*

Nu face au Seigneur, il disait être la Voie

Et le chant des morts et des anciens rois

Sous le désert

*

Dans les sables a fleuri une blanche rose

Pour un rossignol, minuscule dose

D’amour divin.

*

Ô Zayif-Tarin, tu es le fauconnier

Vers quelles profondeurs de Cieux étoilés

Vole ton aigle ?