Air de conque

Figurez vous une après midi

De printemps, un vase Ming touché

Par les chauds rayons du lundi

Ou la pluie qui tombe sur la forêt.

*

Imaginez les steppes interminables

De l’Asie, brûlantes et mirageuses

Les temples des Dieux impitoyables

Parcourus de hordes tapageuses.

*

Mille poètes ont chanté son nom

De déesse renouvelée

Et frappé du sceau de Junon

Et de son bâton barbelé.

*

Sans cesse elle fut la rose

Et nous fûmes le triste rossignol

Que la grande nuit marine arrose

D’étoiles abandonnées au sol.

*

Et de ses pieds, et de ses seins

Blancs comme l’écume de mer

Dont elle est née, et de ses reins

Où se roulerait le Tigre amer;

*

Je brûle, buisson messager de Dieu

Venu chanter une vérité

A trois syllabes, un nom merveilleux

Comme Nassimi m’avait précédé.

*

Pot d’encre renversé sur le lit

Mes mains parcourent ses cheveux

Et de ses fesses l’aphélie

Ma langue dans son œil rose et honteux.

*

Le rythme salé des vagues

Et le Ciel immortel et bleu

De nos amours chaudes et vagues

Qui s’étreignent, s’éteignent peu à peu.

Argos

Je garde au creux de mon esprit

Creux comme un chêne moussu

La vieille image de ton corps

De dryade aux cheveux d’or

De ta bouche aux lèvres fessues

Et de ton rire dont je m’épris.

*

Il pleut, il ne cesse de pleuvoir

Sur mes mains, et dans mon cœur

Enfermé au fond du cercueil d’os

De ma poitrine, et tel un sacerdoce

Je m’astreins à cultiver la fleur

De ce souvenir souvenir illusoire.

*

Le vent chante et chuinte par mes côtes

Ouvertes au courroux de l’Océan

Et de ses anciennes puissances

Bleues et vertes volant avec aisance

Dans tes yeux tel un vol de goélands

Raillant le voyage des Argonautes.

*

Et l’Argos peu à peu disparaît

Voiles blanches gonflées, marins

L’esprit fixé vers le Léthé

Oubliant celles qui les ont allaités

Se jetant vers de gris lendemains

Ils s’en vont avec désintérêt.

*

Et sur les rochers reste Médée

Ivre de douleur et le sein nu

Maudissant les Dieux et ses enfants

Mêmes, dont les rires comme un oliphant

Dit « Jason » et le sang répandu

Par une pauvre femme obsédée.

Jardin

Dans tes yeux je plonge à la façon du Gange

Timide et honteux

Et j’en ressors vigoureux, vierge de toute fange.

*

Sous mes doigts le târ de ton corps se ploie, gémit

Et chante les arias d’un orient perdu

Sous les troubles visions d’Orphée et de Jérémie.

*

Et entre mes doigts sourds filent tes cheveux de minuit

Calligraphie de nos plaisirs secrets

Fracas des étoiles qui nous arrosent de leur pluie.

*

Aveugle, je pousse la porte de ce jardin fleuri

Parfum de rose, de soleil

Dans cette vaste chambre aux douces odeurs de fruit.

Dans le cœur du désert, le fou a chanté

Chanté un Nom fleuri qui ne s’écrivait

Dans aucune langue

*

Nu face au Seigneur, il disait être la Voie

Et le chant des morts et des anciens rois

Sous le désert

*

Dans les sables a fleuri une blanche rose

Pour un rossignol, minuscule dose

D’amour divin.

*

Ô Zayif-Tarin, tu es le fauconnier

Vers quelles profondeurs de Cieux étoilés

Vole ton aigle ?

ما

J’ai tant gémi ton nom qu’il a imprégné

Les draps et les murs, pleins de toi, cellule

De moine où j’ai longuement médité

Avecque la chouette qui hulule.

*

Et quand la lumière rase d’Hécate,

Reine des croisements, frappe mon torse

Je me souviens de tes caresses délicates,

Tel le vent sur une pâle écorce.

*

Mille langues chantent en vain du fond obscur

De l’espace glacial à quel point je brûle

Pour tes yeux de printemps, pour cette piqûre

Qui t’a hissé sur la plus haute curule.

*

Mes mains ne peuvent peindre mon désir,

Gorge et figue toutes ouvertes à mes appétits

Et à nos nocturnes et silencieux soupirs

Sous ce monument étrangement bâti.

*

La voilà cette colonne, ce minaret

D’où tu appelles Dieu à nous bénir

Étreintes moites sous l’oliveraie

Où le Savoir couche aux côtés du Jouir.

Extase de Sainte ****

Ses seins sont un vase

Où je déverse

Mon amertume

Ce que nous fûmes

Qui nous traverse

Globes doux d’ambroise.

*

Sauvagement

Elle ouvre le voile

De l’illusion; mort

Sublime, le mors

Pour fuir les étoiles

Et le firmament.

*

Mon visage est trône

Pour ses fesses

Source d’un Mystère

Profond dans la Terre

Et cette déesse

Donne l’aumône.

*

Elle a pour bâton

Magique mon vit dur

Envieux de sa bouche

Sitôt qu’elle touche

Telle une brûlure

Luisant Phaeton.

Mille

Entre mes doigts j’égrène les mille noms

De Dieu, fleuve noir de tes cheveux

Et murmure sourd de Sa Création

*

Bois mes lèvres et partage mon vœu

Étoile, or de mon sein palpitant et nu

Et accueille en ton oreille mon aveu.

*

Celui d’une étreinte orphique avec une inconnue

Nichés dans les bras mauves de la nuit

Qui chuchote ton nom d’ingénue.

*

Ballade pour belle dame

Belle dame je soupire, n’osant

Même demander une audience

A votre cœur doux et aimant

Et dont je connais la clémence.

*

Plus ne puis fermer la bouche ni œil,

Et cherchant le dormir et le boire

Espérant jusqu’au baiser du cercueil,

Si je ne pouvais vous revoir

Et plonger en votre chevelure noire

Mes doigts tremblants comme des feuilles d’arbres

Qu’emporte le vent riant tel un vieillard,

Et baiser votre gorge de marbre.

*

Qu’un vol de corbeaux crève mes yeux

Si je ne pouvais plus contempler

Votre cuisse si ronde que les Dieux,

Belle dame, ont voulu vous aimer

Et dans leur ruine, se sont abîmés

A faire d’autres femmes moins charmantes

Et dont je peine à faire rimer

Les souvenirs et les paroles aimantes.

Le ghazal des yeux noirs

Au fond de la nuit orientale tes yeux noirs

Et tes seins attendent mes fébriles caresses

/et ma bouche vermeille

J’ai attendu brûlant et suant jusqu’à ce soir

Saoul de mes poèmes et de tes promesses

/et ma bouche vermeille

*

Une fenêtre luit, tu attends mes mains

Des baisers sur tes pieds et tes hanches

/et ma bouche vermeille

En une étreinte qui dure jusqu’à demain

/et ma bouche vermeille