Qiz qov

Deux cavaliers sans bride ni selle

Se poursuivent dans la plaine

Et le premier à la peine

Porte mon cœur derrière sa belle.

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Elle rit couverte d’indifférence

Nuageuse et de tristesse

Et mes sabots lourds de paresse

Soulèvent les sables de l’errance.

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Trois fois ma main frôle son manteau

De ciel sa coiffe étoilée

Ou bien ses yeux voilés

D’éclats de poèmes orientaux.

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Hélas la cavalière est une flèche

Et pour mon échec je reçois

Fouet, huées, au lieu de la soie

De sa bouche à la couleur de pêche.

Rose et rossignol

« Combien d’hommes éclairés sont devenus déments par ton amour ! Combien d’hommes sensés sont devenus fous de désir pour toi ! » Mehmet II

J’ai vêtu pour te rejoindre les entrailles

Et le corps d’un cheval immense et fougueux,

Au crin de nue, au sabot orageux,

Pour retrouver le palais et le sérail.

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Tout recouvert de sang et de puanteur,

Comme tu l’avais fait du point du jour;

Et la lune seule dessinait le parcours

De baisers futurs posés ainsi que des fleurs.

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Dans tes cicatrices des villes tombées

Et oubliées aux mains de rois anonymes

Depuis longtemps, qu’ils fussent cruels ou magnanimes,

Leurs bouches et leurs mains se sont refermées.

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Le rose de tes seins a fait de ma bouche

Un joyeux rossignol, volant à tire d’aile

Du fond des steppes avecque chevaux et chamelles,

Pour s’éteindre et puis mourir sur ta couche.

Entre deux II

Sur les dômes de ses seins dressés la foudre

Et l’écume de mes baisers fleuris,

Parfums de rose, de glycine et de poudre,

Elle est l’éternelle ville qui m’a conquis.

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Par Sa porte des flots de tambours, de drapeaux,

Et de soldats bigarrés et épuisés

Ont pris cette Cité, et sur sa peau

Dessinant de pourpres et vermeils assauts.

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Par mes yeux, par ma langue, j’ai bu ses trésors,

Les perles d’obsidienne de ses yeux,

Le diamant de son âme, et venu du Bosphore,

L’or de ses lèvres au doux parfum d’adieux.

Paysages

« Si on ouvrait les gens, on y trouverait des paysages,

Moi si on m’ouvrait, on trouverait des plages »

Agnès Varda

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Si on plantait dans mes pieds des clous de fer,

On y trouverait les montagnes et le désert

Tout ornés d’éternelles neiges et de prières,

De mariales dévotions, de larmes amères.

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En crevant mes poumons d’une longue lance

En sortirait probablement sans violence

L’ultime et fragile soupir de l’Existence,

Écorché sur la place d’Alep pour offence.

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Une fois mon ventre ouvert et mes entrailles

Fumantes répandues telle une muraille,

Vous verriez la large plaie du samouraï,

Le parfum des cerisiers et l’odeur de ferraille.

/

Disséquez donc patiemment pour finir

Mon cœur battant et saignant à en mourir;

Vous verrez, entre les ventricules, hennir

Mille chevaux et des dômes bleuir.

Peindre

Peindre

Sur un minuscule morceau de papier

A la méthode lente et antique

Du maître de Bagdad Djoneid

Peindre

Sur ton ventre dans tes cheveux de soie

Les batailles féroces de nos baisers

Comme autant d’affrontements fantastiques

Peindre

Les dômes de ta poitrine d’ivoire

Savoir pouvoir y revenir chaque nuit

Piquée de fleurs de coton charnues

Peindre

Qui éclaire la profondeur de tes yeux

Billes de charbon roulant la compassion

Pour la blanche biche et le nécessiteux

Peindre

Peindre

Du bout de mes doigts

De mes émois

Tulipe

Princesse coiffée d’une tulipe

La lune dort sous tes paupières

/

Et moi

Et moi

/

J’ai parcouru les déserts brûlants

De tes lèvres ourlées, tapis de laine

/

Mes doigts filent ainsi que des cavaliers

Sauvages de tes seins à ton nombril

Et sous la lune dormant sous ta paupière

Dorée un rossignol a chanté

Des vers éclatants de douleur

Des vers de poussière

/

Et moi

Et moi

« با بوسه ما من در خدا فرو می‌روم،

من به او متصل می‌شوم،

او جسم و جانم را می‌سوزان!

[Through our kiss I dive into God

I connect with Him

May He consume my flesh and soul !]

/

Il semble que le Rhin et le Dniepr se mélangent

De tes cheveux immenses

Jusqu’au fond de tes yeux intenses

Colériques et tourmentés tels des guivres

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Et moi

Et moi

/

Noyé par les couleurs

Je bois tes yeux

Et tes cheveux

Je bois ta douleur.

Main de Dieu

La lune d’Assyrie décore ton cul

Tel un lustre suspendu au ciel

De minuit, et ta bouche de miel

Me terrasse tel Alexandre l’Invaincu.

/

Et si à la soie rouge du sari

De tes seins gorgés de nuit j’ai pu manquer,

J’y plonge, ô la première des houris,

Sous cet immense portique nacré.

/

C’est le vin noir du Divin que je bois

Au creux rose de tes lèvres et de tes hanches

Quand chante la huppe; et c’est avecque joie

Que je m’ennivre de ce jus à gorgées franches.

/

Tu me changes en instrument dont toi seule

Connaît le jeu et les accords, la façon

De jouer des cordes et, nue au milieu des glaïeuls,

De tirer de mon corps d’angéliques sons.

/

Un vol de grues passe en une ombre légère

Sur le pâle creux de tes reins,

Voile délicat de mes doigts et de mes lèvres

Qui scelle notre Amour dans l’or et l’airain.

باغ لاله ها

Tels les cavaliers de ce sultan afghan,

Tu as pénétré et saccagé mon cœur

Et mon corps, le blé et les roses, élégant

Carnage de toutes les couleurs.

*

Et sous la poussière je demeure immobile

Et sourd ainsi qu’un tombeau de pierre bleue

Et moi, toujours dressé et indocile

Vers le Tout-Puissant, je contemple Tes yeux.

*

C’est ton baiser qui en moi tranche le Bien

Et le Mal, tes caresses qui éveillent

Venu de la terre le souffle chaud et ancien

De l’Amour brûlant qui en moi sommeil.

*

Notre étreinte consume la nuit, voile bleu

De l’ignorance, déchire sous nous soupirs

Exaltés de désir et lumineux

Les ténèbres de la soif et du mourir.

*

Je bois au Graal de tes hanches et l’aurore

Effleure ta peau pout écrire le Divin,

L’Eros et l’Agapè en lettres d’or,

De tes pieds jusqu’à la pointe de tes seins.

« Je suis le soleil d’amour à l’horizon d’éternité. À l’instant où il se couche, il est dans l’ordre des choses que le soleil pâlisse » Imadeddine Nassimi

*

Sur tes seins j’écris en lettres de feu

Les quatre-vingt dix-neuf noms de Dieu

Pour ouvrir ton cœur.

*

Il me contemple de sa pourpre ardence

A la façon d’un derviche qui danse

Dans ta blanche poitrine.

*

Et dans le jasmin de ta chevelure

Du vin carmin je bois la brûlure

Au goût de steppe blanche.

*

Mon baiser au cœur de ton nuage noir

Est une prière qu’élève dans le soir

Marie-Madeleine au crâne de marbre.

Jardin

Des pivoines de tes joues

Aux roses de tes lèvres

Des tulipes de ta gorge

Aux lys de tes pieds

Des violettes de ton cœur

Aux coquelicots de tes reins

Tu es le jardin des martyrs

Des poètes, des satyres.

*

Bruissant d’insectes colorés

Et du vent printanier.

*

Tu es l’anastase, fleurissant

En bouquets couleur de sang.