Tulipe

Princesse coiffée d’une tulipe

La lune dort sous tes paupières

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Et moi

Et moi

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J’ai parcouru les déserts brûlants

De tes lèvres ourlées, tapis de laine

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Mes doigts filent ainsi que des cavaliers

Sauvages de tes seins à ton nombril

Et sous la lune dormant sous ta paupière

Dorée un rossignol a chanté

Des vers éclatants de douleur

Des vers de poussière

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Et moi

Et moi

« با بوسه ما من در خدا فرو می‌روم،

من به او متصل می‌شوم،

او جسم و جانم را می‌سوزان!

[Through our kiss I dive into God

I connect with Him

May He consume my flesh and soul !]

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Il semble que le Rhin et le Dniepr se mélangent

De tes cheveux immenses

Jusqu’au fond de tes yeux intenses

Colériques et tourmentés tels des guivres

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Et moi

Et moi

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Noyé par les couleurs

Je bois tes yeux

Et tes cheveux

Je bois ta douleur.

Noche Triste

Seizième siècle brûlant ! La vieille Europe

Achève d’enterrer Église, chevalerie

Et ses vieilles valeurs sous les souleries

Et les carnages qui attrisent l’œil pur de Mérope.

*

Mais par delà l’océan, un peuple mi nu

A élevé des pyramides de pierre grise

Sous la sanglante tutelle de sa prêtrise

Qui immolent à des Dieux sinistres et inconnus.

*

Aventuriers mal rasés, les conquistadors

Ont quitté la douce Espagne : ils suent, ils jurent

Le nom de saints sourds; mais leurs injures

Sonnent encor moins que les cris de Pandore !

*

Les Espagnols en la capitale des Mexicas

Et rassemblent des montagnes d’or : Pluton

Lui-même en frémirait, ce roi glouton

Plus riche que ne le fut même le grand Midas!

*

Lourde est la nuit d’été- lourde et terrible !

Il pleut, les pavés de la colère résonnent

Des Dieux que l’on vole pour enrichir León

Et Madrid, à la soif inextinguible !

*

Un oiseau de nuit a chanté deux fois, et puis,

Sous le long vol silencieux de chauve-souris,

Une vieille femme a lancé cet infâme cri :

« Voilà qu’ils sortent, les hommes en fer, les impies ! »

*

Lors commence une improbable fuite, vision

De la fin des temps, où ensemble, bêtes et hommes

Sont massacrés et jetés au fond du royaume

De Mictlantecuhtli et sa bouche sans fond.

*

Oh Espagne, coupable Espagne, hypocrite Espagne !

Tu pleures tes enfants tombés sous les flèches tombés,

Et par l’obsidienne des macuahuitl brisés

Dans les mains dorées de jaguars en pagne !

Ceux qui sont tombés

O tombeaux et vallées, nous humons le parfum

Des amères obscurités et des fleurs

Séchées; qui pourrait dire si tel ou tel défunt

Portait le rouge ou le doré sous la chaleur ?

*

Crâne et fémurs; O le calvaire de l’Espagne !

Défilés de femmes en noirs et lourds manteaux,

Sous le regard de la faucheuse pour seule compagne,

Et le Christ aux jambes brisées sous les coups de marteau.

*

Dans cette vallée que noie le soleil de larmes

De feu dort un petit homme, bardé de médailles,

Le saint et l’assassin réunis au tombeau des armes

Et des espoirs avortés au champ de bataille.

*

A présent que Ses enfants veulent briser

Une tombe pour déverser le sang sur la terre,

Dieu se tait et observe : il veut croire et espérer

Que l’on lui adressera d’autres prières.